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Ce livre entend montrer que ce phénomène des transfuges – transfuges qui vont de l’(extrême) gauche à l’(extrême) droite ou, plus simplement, sont de droite tout en tenant un discours prétendument de gauche – ne saurait être assimilé aux « non-conformistes » des années 1930 tels qu’en rendent compte certains auteurs. Certaines caractéristiques originales, apparues récemment, les distinguent en effet et leur donnent une touche nettement contemporaine. Parmi ces caractéristiques, il faut compter le primitivisme qui est le propre aussi bien de l’anthropologie que des idées postcoloniales, et qui justifie qu’un ethnologue, comme l’est Jean-Loup Amselle, accorde son attention à cette question éminemment politique. En effet, le primitif, en tant que catégorie oppositive, est un élément essentiel de notre identité proprement sociétale et des idéologues qui parlent en son nom. Les penseurs ou les idéologues rouges-bruns, dans le cadre du reflux des théories du progrès, sont de plus enclins à mobiliser des références ethnologiques exotiques comme contre-modèles des aspects qu’ils critiquent dans notre propre société ; ils puisent également dans les « merveilleuses » traditions d’entraide des communautés paysannes d’autrefois ou de ce qui est censé en subsister dans les milieux populaires d’aujourd’hui. La déploration de la perte des valeurs authentiques de solidarité est ainsi l’un des traits majeurs de la pensée des nouveaux « rouges bruns ». La pensée de ces idéologues s’abreuve donc à la source d’une certaine anthropologie, la plus primitiviste, donc la plus « glamour », qui, de ce fait, occupe les devants de la scène institutionnelle et médiatique. En notre époque écologiste et « diversitaire » à souhait, quoi de plus excitant que la figure de l’Indien d’Amazonie ou du Papou de Nouvelle Guinée pour parler au cœur des Occidentaux à qui l’on serine qu’ils vivent dans une société à somme nulle et qu’il ne sert à rien de lutter pour des causes sociales ringardes ? Le primitivisme et le populisme qui lui est lié sont donc l’une des sources majeures du conservatisme contemporain. Dans ce nouveau livre, Jean-Loup Amselle examine donc le phénomène « rouge brun » et le racisme qui lui est lié sous l’angle, non seulement du primitivisme proprement dit, mais aussi de toutes les notions « élémentaires » qui le charpentent : l’autochtonie, la racine, le peuple, la nation, le groupe, la communauté, la culture populaire, la race, la « blanchitude », la « francité », la diaspora, la laïcité et le « Made in France ». Mais s’agissant de ce transfert de l’(extrême) gauche vers l’(extrême) droite, l’auteur se demande également si le marxisme n’a pas sa part de responsabilité. Chez Marx et Engels en premier lieu, mais aussi et surtout chez les anthropologues marxistes qui ont recherché dans les sociétés exotiques les ancêtres contemporains de l’humanité, et qui ont rallié le populisme et le primitivisme. Les penseurs ou des idéologues de tout poil (journalistes, essayistes, philosophes) se sont ainsi emparés des aspects les plus caricaturaux de cette discipline et il en est résulté que le primitivisme et le populisme ont dorénavant paradoxalement partie liée avec le racisme, donnant toute son originalité et sa nouveauté au phénomène rouge brun actuel.