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Les textes qui entament ce volume, une fois n’est pas coutume, ne sont pas de Céline mais de son jeune précurseur, le docteur Louis Destouches. Pas si fantasque qu’il y semble, soit dit au passage, si ce n’est pour la construction, la menée des idées et le goût de la provocation de ses écrits dits « médicaux » : ne sommes-nous pas, à lire ces Notes sur l’Étude d’une médecine pratique, simplifiée vieilles de 80 ans, précipités au sein de nos diafoirus d’aujourd’hui, avec leurs discours illuminés et comminatoires ? Ce sont toujours les mêmes pontes, discoureurs d’hier, dont le futur Céline dresse le portrait contrasté si vrai : le médecin bourgeois et riche, bien en vue, plein de jactance, méprisant le médecin de terrain, peu savant et perdu au contact de la patientelle. Un comédien a eu d’ailleurs, cette année, l’excellente idée de lire à la radio de larges extraits de Semmelweis qui traite, comme on sait, des querelles de chapelle qui se développent au mépris de la sauvegarde des malades.Du même Destouches, nous ne pouvons sérieusement présenter comme un inédit remarquable l’ébauche d’une scène destinée au théâtre, Une bonne conversation, mais les foucades de l’apprenti écrivain y sont bien présentes, même si l’expression en est pauvre et négligée. Avec les Lettres à divers qui suivent, on entre dans un tout autre univers. Céline, épistolier fécond, on le sait, n’en finit pas de nous surprendre par ses bonheurs d’expression qui viennent au fil de sa plume, sans brouillon ni repentir : à Marks, qui s’apprête à traduire Mort à crédit, il écrit « Cette fois la traduction sera enlevée en vitesse, je le sens ! Mais vous aurez de grandes difficultés à cause du langage encore plus voltigeur que le précédent » – qualifier son langage de « voltigeur » est un de ces traits de génie qui ont parsemé toute sa correspondance. Dans un registre bien différent, en août 1951, Céline envoie une de ces lettres pleines de fantaisie dont il a l’habitude de gratifier son hôte Paul Marteau, avec le récit de la mise en route d’un Frigidaire (sa livraison avait été décrite trois jours avant, ce sont donc les étapes de la vie moderne qui sont suivies pas à pas, et décrites avec autant de précision que d’ironie) : « Ah le Frigidaire a été inauguré en tout petit comité. Madame Thérèse, sa collègue, un petit diacre électricien, Lucette et moi-même, et Bessy. C’est moi qui ai dû lire la messe le texte était en anglais. / Ah l’émotion ! C’est mieux qu’un temple ! une Basilique ! Vous entrouvrez tout s’illumine – Vous touchez au manomètre : A.B.C les orgues ! 1, 2, 3, plus fortes ! – Nous refermâmes tout prudemment – Genouflexâmes, signâmes, sortirent… le sous-diacre aussi… ah c’est un appareil magique, mystique… ! Penser qu’il va frigorifier des saucissons… des saucissons ! »