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L'histoire coloniale vue par les victimes En 1954, la défaite française à Dien Bien Phu contraint au départ toutes les familles françaises résidant au Tonkin. Parmi elles, un nombre important de familles franco-annamites : couples mixtes et leurs enfants eurasiens, femmes vietnamiennes dont le compagnon français avait disparu... Ils furent ensuite rapatriés en France, au titre de Français d'Indochine puis installés "provisoirement" dans des bâtiments collectifs désaffectés. Ainsi se constitua le Cafi, Centre d'Accueil des Français d'Indochine, à Sainte-Livrade dans le Lot-et-Garonne, lieu de mémoire de l'histoire coloniale, de ce qu'elle a produit, des identités composites qu'elle a générées. Aujourd'hui, la transformation du camp, qui existe toujours, préfigure la fin d'un monde. Des témoignages bouleversants éclairant l'histoire moderne du Vietnam et de la France EXTRAIT La France, on en avait rêvé. Qu'y avait-il de plus désirable que la France ? Là-bas en Indochine, tout ce qui était beau, propre, enviable, riche, puissant s'appelait la France. La France, c'était tout ce blanc lumineux et immaculé des costumes, des uniformes, des robes de bal, des nappes, des draps, des mariages, des villas et des paquebots... Tout ce blanc repoussant le ciel gris sale des moussons, la ligne basse et boueuse de l'horizon dans les rizières, l'eau souillée des arroyos, la glaise lourde et gluante où piétinent les buffles, les tuniques noires des lettrés, les dents laquées des femmes... Oui, la France c'était tout ce blanc immaculé. Le blanc de la colonisation. A PROPOS DE L'AUTEUR Dominique Roland est maître de conférences à l'INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales). Spécialiste de l'Indochine, elle a déjà écrit plusieurs ouvrages sur le métissage et les questions posées par le colonialisme.