Prix public : 22,00 €
De ce recueil – qu’il a souhaité nous confier avant la parution prochaine de ses œuvres majeures dans un volume de La Pléiade – Philippe Jaccottet écrit : « Songeant, depuis plusieurs années, à détruire la trentaine de cahiers d’écolier où j’ai puisé pour les trois volumes de mes “Semaisons” comme pour Observations et autres notes anciennes – non par souci de discrétion, si loin qu’ils sont de composer un “Journal intime”, mais pour prévenir toute divulgation posthume de ce qu’ils contiennent inévitablement de répétitif ou d’insignifiant –, j’ai voulu tout de même ne pas exagérer ma sévérité rétrospective et en recueillir ce qui m’a semblé digne, tout de même, de publication. D’où ces “Notes sauvegardées” pour le choix desquelles j’espère n’avoir cédé nulle part à ces accès d’indulgence dont on sait que les vieillards peuvent être atteints, comme de leurs trop nombreux autres maux. » Loin d’apparaître comme les « feuillets arrachés parce qu’ils lui avaient paru sans vie » évoqués au moment de la parution de Semaison en 1984, ces pages – où l’on retrouve l’alternance de promenades, rencontres, lectures et rêves qui étaient déjà le propre des choix précédents – composent un livre qui a sa cohérence propre. Ce qui le différencie des livres précédents, c’est la place plus grande donnée ici, sinon à l’intime, du moins aux amis, aux proches, aux personnes côtoyées qu’il est désormais plus facile de nommer. On y parcourt plus d’un demi-siècle d’écriture (le livre s’ouvre un peu avant l’installation de Philippe Jaccottet à Grignan) à travers le récit de ses rencontres avec des artistes et écrivains qu’il a bien connus (Ponge, Tardieu, Tortel) ou simplement croisés (comme Chagall et Char), mais aussi celui d’événements de son existence personnelle qui ont eu un retentissement dans son œuvre (notamment dans Leçons ou Chant d’en bas). Ce qui frappe, à la lecture, c’est le sentiment d’une remarquable fidélité, pendant toutes ces années, à une idée de la poésie qu’il faut essayer, « ressayer encore » de bâtir comme une maison de verre, même si elle semble promise à la destruction. Une fidélité maintenue obstinément en dépit de toutes les difficultés matérielles et de sa fragilité même. Une fidélité aux amis poètes et aux œuvres proches, dont les noms reviennent tout au long du livre.