Prix public : 19,00 €
Les lecteurs de Terrestres, son précédent recueil paru au Bruit du temps il y a cinq ans, retrouveront ici la voix forte et juste de Denis Rigal, portée aux mêmes interrogations, qui ne font que devenir plus pressantes avec les années : comment « trouver parole à donner, un sens sauvé/sauveur ». Pourquoi et comment écrire encore (en ces temps de détresse) ? Le propos rapporté de Beckett qui donne son titre au livre nous donne un semblant de réponse, que Rigal lui-même com- menterait sans doute ainsi : « la joie de produire un peu de sens prouve que l’humain en est capable et que notre condition n’est pas désespé- rée». C’est peu dire, car ces poèmes nous emmènent bien au-delà de ce presque rien. L’auteur a entendu les conseils qu’il prodigue lui-même « à Margot » dès la première page. Il a éprouvé dès l’enfance (à laquelle est consacrée une section du recueil) « la grâce des choses vives » qu’il nous restitue avec bonheur, et il a su surtout la confronter au silence, « à l’os muet du monde », afin que sa parole « résiste au vent ». Parmi les beautés du monde dites dans ces pages, il y a bien sûr ces rivières, que le pêcheur de L’Éloge de la truite a beaucoup fréquentées. Mais l’univers de Denis Rigal ne se réduit ni à son Auvergne natale, ni à sa Bretagne d’adoption, même s’il sait mieux que personne dire la réalité rugueuse de la côte du Finistère (« Pointe de Dinan »). La section intitulée à juste titre « Histoires, saisons, latitudes », aux poèmes d’une écriture plus ample, nous transporte dans l’espace et le temps, de la Martinique de Césaire à l’Italie de Virgile, en passant par le grand Nord des chamans lapons. Mais Rigal sait aussi, au contraire, à l’instar des poètes chinois qu’il admire (ou du Chat « bouddhiste » qu’il décrit), — notamment dans les poèmes de « Souffles », au centre du recueil — aller vers plus de dépouillement et réduire le monde à l’essentiel : « à ce cercle parfait / de silence et de cendre / par où tout disparaît ».