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Cette correspondance rassemble deux écrivains en apparence très éloi- gné, tant du point de vue de l’écriture que dans la façon de se situer, de vivre et d’appréhender la chose littéraire et politique. Georges Perros est poète, et des plus sensibles à l’inactualité de la vie ordinaire. Rétif à l’engagement, il s’est arcbouté très tôt dans une posture existentielle de retrait, alors qu’à l’opposé, Pierre Pachet, dans ses cours de littérature, a souvent défendu l’idée qu’il fallait intervenir et penser son époque sans assigner à l’art du critique aucune limitation de discipline ou de genre. Ses travaux touchent à des domaines du savoir, la psychanalyse, la sociologie, la science politique, dont justement Perros, qui se méfie des constructions intellectuelles, ne s’est emparé qu’au détour de notes, avec ironie et un certain génie de la dérobade. La perception qu’ils ont de leur identité diffère par ailleurs, l’un étant très attaché à la Bretagne comme à un coin de pays fantasmé, l’autre, juif d’origine russe, reven- dique un moi plus décloisonné. Or ces deux grands lecteurs, requis par des passions quelquefois divergentes, se retrouvent dans l’esprit des Cahiers du Chemin dirigés par Lambrichs, dans une résistance viscérale au dogme, un sens de la langue et le sentiment d’être tous les deux des « seulibataires », mais à charge de famille. Leur amitié atypique, qui débute en 1968, ne s’interrompra qu’avec la mort de Perros, dix ans plus tard. C’est le jeune Pierre Pachet qui engage et soutient le dialogue. Un Pachet d’avant son œuvre d’essayiste. Il est alors fasciné par le prosaïsme magique de Perros au point d’en pasticher un peu la manière épistolière, et d’instaurer de façon inattendue, entre son aîné et lui, une relation virile, affec- tueuse, égotiste, plutôt complice. Mais contre laquelle semble se défendre parfois un poète mal à l’aise dans le rôle du maître. Reste que Perros laisse Pachet le « prendre au sérieux », pas du tout mécontent d’être lu comme il lisait autrefois Grenier ou Paulhan. Les vues sur Perros, que Pachet prolonge dans des articles que nous reproduisons en annexe, introduisent à l’esthétique du poète, tout en donnant de son commentateur une sorte d’autoportrait. Pachet voit en Perros un « penseur et moraliste », qui place son orgueil dans la vie, où précisément il a le moins de chance de réussir. Au fil des lettres, qui arrachent Pachet à la routine de sa vie universitaire, la relation de maître à disciple s’estompe. Pachet commence à publier au moment où Perros perd l’usage de la parole à la suite de sa laryngectomie. Il y a dans les dernières pages des accents aussi déchirants que dans L’Ardoise magique.