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Je découvre Homère à l’âge de douze ans. Monsieur Bron inflige à ses élèves de «quatrième» l’heureux supplice de mettre brièvement en vers la rencontre d’Ulysse et de Nausicaa. Celle-ci me laissa une image idéale de la jeune fille telle que la rêve tout être épris de beauté et de pureté. Je lus plus tard quelques pages imprudentes d’Albert Camus sur « l’exil d’Hélène », qu’il regrettait. Non, il n’y a pas à regretter l’exil d’Hélène ; nous devons à cette garce, qui ne cesse jamais d’être parmi nous, hélas, la guerre de Troie et toutes les guerres consécutives. C’est Nausicaa que nous avons exilée, avec elle l’édénique pays des Phéaciens et son écologie intégrale.Peu me chaut l’érudition. Je n’ai en la science, dès qu’elle prétend se fourvoyer où elle n’a guère de prises, que peu de foi. Georges Bataille après Nietzsche souligne que toujours inachevée elle n’est que le produit de la volonté de science. Que peut-on savoir, savamment, par exemple des relations intimes d’Achille et de Patrocle ? Je m’en suis rapporté non à l’érudition moderne mais à l’opinion d’Eschine ou d’Eschyle. Cela n’est qu’un détail. Plus gravement (?) j’ai pris le parti de lire Homère non avec les lorgnons des doctes mais avec le libre, l’espiègle, le subversif regard du vivant que je suis chrétien que je suis dans le temps où je suis...