Prix public : 18,00 €
Burkini, le titre du roman, est une juxtaposition de « burqa’ » et « bikini ». Ce mot anglais, entré dans le dictionnaire australien en 2012, désigne l’habit de bain conçu par une Australienne de confession musulmane. Mais ce mot exprime surtout le penchant double et contradictoire de l’héroïne, qui tente de se libérer par l’art, en peignant des corps presque nus, tout en restant conservatrice puisqu’elle-même porte le voile. « Je suis déchirée entre deux femmes. Lorsque je suis lasse d’une, je la tue et me raccroche à l’autre. Quelle femme suis-je ? […] La mystérieuse femme voilée ou l’artiste émancipée ? ». L’histoire d’une jeune peintre, vivant sous son voile, un conflit ignoré de tous, partagée entre son beau physique et le voile qui le cache. « Je reconnais que je n’ai jamais réussi à faire du foulard qui me couvre les cheveux une partie de moi-même, […] Il n’y a que dans cette chambre obscure que je me retrouve. On dit que je vis en vase clos. C’est dans l’obscurité et l’immobilité que nait la femme que j’étouffe chaque matin sous une nouvelle écharpe ». L’auteur ouvre les portes de l’équivoque de la femme voilée avec son corps. Le roman n’en perd pas moins sa dimension sociale : il révèle une certaine conception de la femme au sein de la société orientale, souvent perçue comme un objet de honte et de désir. À la différence des autres romans arabes, l’héroïne ne se sent pas victime de la société patriarcale : c’est une femme libre qui choisit délibérément de se voiler tout en regrettant ce choix. Avec Burkini, Maya Hajj fait renaître l’atmosphère des années 60-70, au cours desquelles les idées de gauche émergent, faisant apparaitre un conflit entre liberté et traditions, avec des romans comme J’existe de Leila Baalbaki, ou Rebelle de Ghada Samman. Bien que le lieu où se déroule l’action ne soit pas mentionné, on comprend qu’il s’agit d’une société cosmopolite, libre et ouverte, néanmoins rattachée au monde arabe où les courants salafistes progressent, comme c’est le cas à Beyrouth. Paru en 2014, Burkini résonne avec l’actualité. Sa version française contribuera à éclairer la question du port du voile dans la société contemporaine, dès lors que le roman brise un tabou existant autour de la « femme voilée », ses phantasmes et son corps.