Prix public : 31,90 €
Juan Benet a été le témoin d'explosions intellectuelles successives et notamment d'un ensemble de mutations scientifiques et philosophiques qui vont intégrer au XXe siècle les notions d'incertitude, de hasard et de désordre dans l'appréhension des phénomènes réels. En postulant une syntaxe transgressive par rapport au sens commun en complète rupture avec la littérature espagnole de son temps, Benet se fait l'écho de ces transformations et choisit de s'engager à la recherche de ce qui échappe à la conscience. La singularité de l'écriture est ici interrogée à partir d'opérateurs empruntés aux modèles scientifiques (prédictibilité, indécidabilité, limites complexes) et appliqués au texte littéraire. Sandrine Lascaux envisage les œuvres comme des complexes limitrophes et s'attache dans un premier temps à l'analyse de leurs enclaves stratégiques, notamment de l'incipit et de l'explicit, pour démontrer comment les phénomènes de porosité et d'instabilité invalident l'efficacité de dispositifs articulatoires traditionnellement orientés vers la résolution. Elle se concentre ensuite sur une saisie globale et locale du texte, en considérant d'abord la nature de dynamiques textuelles ne répondant plus au principe de causalité, puis celle d'une phrase qui, en s'engageant dans l'hypertrophie, multiplie ses seuils internes. Il s'agit de montrer comment la destruction méthodique de toute idée de centralité ou d'unité permet de reconstruire par le périphérique une projection individuelle du sujet à l'intérieur d'un discours collectif marqué par le contexte politique et historique douloureux de l'après-guerre civile.