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Concept officiellement « à charge » depuis la première moitié du XXe siècle et l’anathème jeté sur lui par les historiens de l’École des Annales, l’anachronisme s’est dès lors vu imputer la transgression épistémologique la mieux caractérisée : celle d’une subjectivité invasive, antagoniste supposée de toute scientificité. Mais, on le sait, le statut de la subjectivation a beaucoup évolué, et notamment depuis que la littérature a pu elle-même être considérée comme épistémologiquement modélisante. La conviction à l’origine de cet ouvrage est ainsi que les réhabilitations de l’idée d’anachronisme auxquelles les philosophes, théoriciens littéraires et même historiens n’ont eu de cesse, dès la fin du siècle dernier, de procéder, peuvent gagner en intelligibilité quand on les appréhende depuis les Mondes Hispaniques et Lusophones, ne serait-ce que parce qu’elles y ont été, à de nombreux égards, anticipées. Le moteur narratif du premier – et peut-être plus important – roman de l’ère moderne, Don Quichotte est ainsi, on ne peut plus explicitement et directement, l’anachronisme. On sait aussi à quel point Jorge Luis Borges militait pour une poétique dont ce concept, avec lequel il a notoirement joué dans ses fictions, était une des pierres angulaires. Quelques années après, au-delà du champ littéraire, dans celui des idées, Octavio Paz stigmatisait à son tour la répudiation systématique, par les avant-gardes culturelles, de « l’obsolescence », anachronisme supposément coupable, cette fois, non plus d’anticipation, mais de retard.