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Comment un jeune artiste, tout pénétré d’un désir d’aventure artistique peut-ilaffronter la guerre ? Comment, si ce n’est en se construisant une double vie, celle des apparences, auxquelles il faut malheureusement sacrifier, celle de la vie intérieure où l’imagination et le désir bouillonnent, et que ni la crainte de la perdre ni l’effroi d’avoir à la supprimer chez son prochain ne sauraient étouffer.Les « Trente Glorieuses » ne furent pas si joyeuses pour tout le monde, et surtout pas pour cette génération d’après-guerre appelée contre son gré en Algérie pour de prétendues « opérations de maintien de l’ordre » et dont elle sut vite la véritable nature. Ces temps continuent de peser sur les esprits. Les témoignages ne manquent pas de ces jeunes ouvriers, agriculteurs, instituteurs, ingénieurs, universitaires divers : tous sont aussi émouvants que nécessaires à l’Histoire. Ils sont parfois entachés par une lucidité a posteriori, ou un désir de justification ou de repentance, souvent ils servent de thérapie personnelle permettant de surmonter les traumatismes, ou à tout le moins de ne pas ressasser cette obsédante période volée à l’essor de la vie.Le témoignage du peintre Jean-Claude Carsuzan est d’une autre nature. Cette guerre il l’a faite comme les autres, comme des milliers d’appelés du contingent, au cours de 29 mois de service militaire dont 14 en Algérie, entre le mois de septembre 1959 et la fin décembre 1960. Mais il l’a faite de manière singulière, comme si, en dépit de tout, l’artiste pouvait en tirer un profit secret. Son témoignage n’est pas ordinaire : il met en lumière une sorte de mise à distance de la réalité du quotidien au profit d’une recherche permanente d’ordre esthétique. Ici point de déploration ni d’amertume. Le témoin a une tendance – exceptionnelle à vrai dire – à relativiser et à mettre en avant les aspects positifs de la vie. Mais surtout il s’invente une sorte de méthode de résilience, une façon d’occuper son esprit,même dans les moments les plus rudes, une sorte de recherche permanente des lumières, des contrastes, des nuances, méthode qui permet de maîtriser les effrois de la guerre. Les amateurs d’art puiseront là un aspect méconnu des processus de la création.Avant-propos de Yannick Guin