Prix public : 33,50 €
De Diagonale en Dialectik, DD, comme Darrieux... Qu'est la vie d'un diagonaleux - du nom de la société de production quasi collectiviste fondée par l'auteur de Femmes Femmes, cinéaste éclaireur de traverse ? Une vie bord cadre, une vie de hasard et d'appétits. Paul Vecchiali accola un service traiteur au service ciné pour financer les films Diagonale. D'ailleurs, nourrir son homme, tout un programme, en propre comme en esprit. C'est une aventure toute terrestre qui se devait d'être racontée par le menu et qu'avec Dialectik, la société nouvelle, il perpétue aujourd'hui. De biais donc, transversalité du géomètre, Paul Vecchiali se livre, minutieux, admirable, incisif page après page. Il conte une vie au bonheur la chance, au sens fort - le bonheur, la chance. Malheur compris. Or un cinéaste d'une telle trempe sait que pour que le hasard déboule il faut ne rien lui laisser (au hasard). C'est peut-être cela qu'il a toujours nommé, sésame magique, « la dialectique » : tout préparer, bien conspirer, connaître ses contraintes, son affaire, comme ses marges de liberté, pour atteindre à la saturation méthodique, passage au tamis où l'enchantement du hasard, cet effet involontaire auquel l'artiste se refuse volontairement, s'immisce. Le film naît. L'impromptu, l'inouï. L'art de vivre que Vecchiali nous conte ici et dans ses films - comme Demy son frère en cinéma auquel il ajoute quelque chose en en retranchant justement l'aspect « conte », le fabuleux, au profit d'une commedia dell'arte pragmatique -, est tissé de ça, du monde qu'on se fabrique, et de la vie qui, se frayant, trouve sa voix. Monde de cinéma, d'amitiés, d'associés, de camarades, d'invention de soi. Vie de travail acharné puisque le travail est la joie. Le monde, à la diagonale des fous, des femmes et des amants, est une autofiction. Le cinéma qui en recueille la fantaisie ou la noirceur est un art réaliste. Vecchiali est un conteur paradoxal, à la fois Shéhérazade et prince sultan, c'est-à-dire conteur des autres avant que de lui. C'est la leçon de son livre comme de ses films : nous sommes des histoires imbriquées dans d'autres histoires elles-mêmes contées par de bons ou mauvais génies dont le rêve s'effiloche, évocation somnambule, exotique. Il faut avoir l'esprit éminemment pratique, cartésien comme l'esprit populaire dit encore, pour que la dialectique, cette alchimie subtile, se mette à feuilletonner et à chanter, comme il en sera de feuilleter le livre de l'artiste souverain que l'on tient entre les mains. Fantômes compris. Avec ce deuxième tome, Paul Vechiali reprend son récit dans les années 1970, en pleine consécration, alors que son épopée Diagonale est largement saluée par la critique. Il évoque ainsi ses nouvelles perspectives dans un contexte qui se durcit pour le cinéma désormais concurrencé par divers médias. Ce deuxième volume est aussi l'occasion pour Vechiali d'aborder sa relation particulière avec la littérature et son goût pour l'écriture.