Prix public : 13,00 €
Esprit extrêmement sensible, le poète marche entre l’Orient et l’Occident, se di-vise et réunit simultanément les mondes différents, il mélange les cultures, il écrit des poèmes pour les accrocher sur les frontières et il crée un alliage criant de douleur et de désespoir : « Chaque soir /sous la mitraille /tu vérifies la solidité du fil tendu entre l’Est et l’Ouest/ il fait si froid /dans le cœur des hommes. Vivre est un blasphème ». Et s’il hésite à le faire en pratique, ses poèmes ont le pouvoir d’échapper, de survoler les frontières et de les démanteler avec leurs gardiens. La poésie de Denis Emorine devient des notes, de la musique, en un accord mortel : « Toutes les nuits/ à la même heure/ ses doigts se posent sur les touches du piano/ pour appeler la mort/ depuis qu’ils ont exécuté la femme qu’il aimait ». Son sang coule à travers les poèmes qu’il plisse ; il les éparpille avec colère et douleur : « Rouge est l’horizon. Rouge est ta colère ». Ces poèmes trouvent la force d’échapper à leur exil, de devenir des martyrs, d’être sacrifiés sur l’autel de la liberté. Mais c’est lui-même qui témoigne aussi de la vérité, la vérité tragique de la mort : « Je ne dormais pas/ elle est entrée dans ma cellule/ nue/ comme la vérité /elle a déposé le poignard à mes pieds/ J’aurais voulu mourir de sa main ». Sa poésie est une lamentation-épitaphe : « la poésie me tient lieu d’épitaphe/ il n’y a rien d’autre à graver », une condamnation à mort, une cou-leur rouge qui aveugle l’innocent. Son nom pourtant, malgré sa volonté – « et main-tenant effacez mon nom/ de la mémoire des hommes/ et la trace de vos pas/ dans la poussière » – est écrit dans la mémoire du peuple, dans la poussière sanglante de l’histoire des êtres humains. (Extrait de la préface de Androniki Dimitriadou)