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Rien de plus ennuyeux que Suétone et ses litanies interminables et désordonnées des tares, de la démence, des meurtres et des méfaits, de la mort enfin, toujours violente, des douze Césars dont il aligne les biographies. Si, peut-être : D.A.F. de Sade, le plus soporifique des romanciers. C’est en substance ce que déclare Roger Vailland au commencement de ce livre. Sa lecture structurale – qui s’efforce de trouver les constantes dans les variations, d’en comprendre les logiques, bref, de dégager les lignes de fond – consiste à réorganiser les douze récits selon l’analyse qu’il en fait. En dehors de cette reconstruction, opération majeure, il intervient peu, laissant toute sa place à l’œuvre de Suétone, dont il nous donne, tout simplement, les clefs et le mode d’emploi. Ce procédé a un double avantage : il relègue au second plan l’océan fastidieux des anecdotes, des exemples et des faits dont la lecture nous étouffait ; il dégage et met au premier plan une analyse du césarisme, c’est-à-dire de la domination des princes portés au pouvoir par la démocratie, mais revêtus d’un pouvoir absolu. Voilà donc un livre utile, comprenons-nous aussitôt ! Passent dans ces pages publiées en 1962, trois ans avant la mort de Vailland, les fantômes discrets mais bien là de Joseph Staline et de Charles de Gaulle... Nous n’insisterons pas sur Staline : la cause est (fort mal, hélas) entendue. Mais de Gaulle, version moderne, soft , à la française, du césarisme, associé en passant aux tyrans sanguinaires de l’Empire romain ! De Gaulle, élu au suffrage universel par le peuple français, sous condition d’une Constitution qui donne presque tous les pouvoirs au Président de la République et plombe notre pays depuis 1958 ! De Gaulle, ne l’oublions pas, chassé dix ans plus tard par le même peuple français ! Voilà qui donne à penser. Vailland conclut : « Prudent Suétone. Il nous a quand même dit tout ce que nous devions savoir de nos futurs cauchemars. »