Prix public : 25,00 €
En 1966, un groupe d'étudiants contestataires fut élu à la tête de l'AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg), alors branche locale de l'Unef. Leurs sympathies allaient aux anarchistes, à Max Stirner, à Makhno et à Durruti, mais aussi aux surréalistes et aux dadaïstes. Les contacts pris par certains d'entre eux avec l'Internationale situationniste se concrétisèrent par la rédaction de l'emblématique pamphlet De la misère en milieu étudiant. Les prises de position publiques et les actions concrètes qui entourèrent la diffusion de ce brûlot ne laissaient aucun doute : ces étranges et dangereux élus syndicaux oeuvraient à la dissolution de leur syndicat après avoir dilapidé ses fonds en fêtes et en propagande subversive. Ils ne visaient rien d'autre qu'au renversement révolutionnaire de la société - dans le but de libérer la vie quotidienne de l'aliénation du travail salarié, pour « vivre sans temps mort et jouir sans entraves ». Ces exigences élémentaires et leur début d'application causèrent un immense scandale, relayé largement par la presse de l'époque, tant en France qu'à l'étranger. On s'accorde à dire que ce scandale fut à la fois le prélude et le ferment des événements de Mai 68. Il est raconté ici pour la première fois en détail par deux de ses principaux acteurs. Les documents et les témoignages qui étayent leur récit dévoilent les dessous de cette aventure, qui propulsa les situationnistes - leur style et leur critique radicale - sur le devant de la scène médiatique. « Les premiers mois passés à l'université leur avaient vite fait prendre conscience que l'essentiel ne pouvait être dans cette acquisition laborieuse de savoirs mutilés. Tous semblaient assez déterminés pour ne pas sacrifier le présent de leur vie à ce qu'ils percevaient comme une domestication méthodique et ritualisée de l'intelligence, dans des dressoirs où s'apprennent les certitudes ripolinées permettant de construire les carrières - celles d'imbéciles qui, dans le reniement d'eux-mêmes, travaillaient pour devenir quelqu'un, ou pour acquérir, peut-être, quelque dérisoire pouvoir. Le goût pour l'oisiveté qui doublait cette détermination aurait pu se contenter d'être simplement la traduction bohème d'un épicurisme nonchalant ; ils en firent progressivement une machinerie offensive et offensante, dirigée contre les sots et les besogneux qui voulaient réduire la vie à une accumulation lucrative de productions, d'oeuvres, de biens ou de capital. La sympathie qu'ils avaient les uns pour les autres reposait sur une disposition partagée à dilapider généreusement leur temps - et sur une même ambition à transformer leur oisiveté en une prometteuse théorie politique. Mais ce qui, par-delà les connivences intellectuelles, avait renforcé leur proximité, c'était leur passion commune pour le jazz, le blues et le rock : la liberté ainsi médiatisée donnait forme, de façon immédiate et sublimée, à leur propre impatience de vivre, dans un présent dont les insuffisances, la nostalgie ou la violence pouvaient se danser ! »