EAN13
9782377691043
Éditeur
DEUXIEME EPOQUE
Date de publication
8 juin 2023
Collection
ECRITURE DE SPE
Nombre de pages
64
Dimensions
21 x 15 x 0,7 cm
Poids
108 g
Langue
fre

Rivages

Alexandre Koutchevsky

DEUXIEME EPOQUE

Prix public : 20,00 €

<p><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">Rivages</span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';"> part du constat que la frontière mouvante et vertigineuse entre mer et terre, appelée plage, est une fenêtre ouverte sur la traite esclavagiste. Les rivages sont des paysages de départs et d’arrivées, ils sont le territoire d’arrachements, d’embarquements et de débarquements forcés. Mais bien plus que ça, ils sont le lieu d’assignation des identités fondatrices de l’esclavage transatlantique. Les rivages sont le lieu où l’idéologie raciste et esclavagiste assigne les êtres</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">: les Européens deviennent les «</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">Blancs</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">», par tant les maîtres, les Africains deviennent les «</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">Noirs</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">», par tant les esclaves. Il faut sur ce point écouter la démonstration éclairante d’Ibrahima Thioub, historien sénégalais (retranscription de la conférence d’Ibrahima Thioub du 25</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">juin 2018 à l’Institut d’études avancées de Nantes)</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">:</span></p><p><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';"> </span></p><p><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">«</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">Plus la distinction entre le maître et l’esclave est radicale plus le système esclavagiste est efficace. […] Pour les maîtres il s’agit de masquer le rapport réel de domination. Quel est ce rapport réel</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">? Pour mettre quelqu’un en esclavage, nécessairement il faut de la violence exercée sur des individus. Violence qui met en captivité un individu soit par la guerre, le rapt, la razzia. Au moment où la captivité est établie, nous ne sommes pas encore dans l’esclavage. Les Africains qui quittent les rivages d’Afrique peuvent être déjà des esclaves, parce que l’esclavage a existé en Afrique, mais majoritairement ce sont des gens libres qui sont mis en captivité par la violence et sont emmenés sur les côtes. Ces captifs qui arrivent sur les côtes ont une identité</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">: artisan, paysan, wolof, solinké, yoruba… Quand ils arrivent sur la côte, les maîtres sentent la nécessité d’effacer ces identités qui renvoient à une historicité. Être commerçant, paysan, etc., relève d’un processus historique. Il faut rompre le processus historique pour produire un esclave dans le futur. Comment détruire cette historicité</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">? En utilisant au maximum des termes qui naturalisent le rapport. On va chercher des facteurs naturels qui construisent l’identité pour détruire l’historicité du rapport. Car tant qu’on est dans l’historicité du rapport c’est que le rapport peut être défait. Si vous m’avez mis en captivité par la violence, si j’arrive à vous opposer une violence plus grande, je peux me libérer et repartir chez moi. Mais si, par un travail idéologique, vous arrivez à me convaincre que je suis réduit à l’état où je suis à cause de la couleur de ma peau, et si j’adhère à cette idée, ne pouvant pas me débarrasser de la couleur de ma peau, le jeu est fait, je reste dans ce rapport pour l’éternité. Ce travail idéologique d’effacement des identités (paysan, commerçant, artisan, roi, palefrenier, valet, subalterne, femme, homme etc.) démarre dès la côte. Ces identités sont réduites à une seule</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">: celle d’être noir, nègre. C’est le début de la mise en esclavage.</span><span style="font-family: 'Times New Roman';"> </span><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';">»</span></p><p><span style="font-family: 'Adobe Garamond Pro';"> </span></p><p><span style="font-size: 12.0pt; font-family: 'Adobe Garamond Pro';">Le paysage rivage est bien le théâtre initial du processus de mise en esclavage dans la traite transatlantique. C’est notamment pour cela qu’il constitue notre territoire de création.</span></p>
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