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Robert Musil est connu comme l’auteur d’un des grands romans du vingtième siècle, L’homme sans qualités, sur plusieurs milliers de pages. Il apparaît cependant que les commentateurs préfèrent gommer l’aspect « romanesque », sentimental de son œuvre. Comme s'il était indécent d’accorder de l’intérêt aux débats amoureux du héros, quasi feuilletonnesques, de femme en femme, et qu’il convienne de s’en tenir à la teneur morale, politique, épistémologique de l’ouvrage, et que pour le reste, l’on doive s’en tenir à la quatrième de couverture fameuse de Maurice Blanchot qui célèbre « la plus grande passion incestueuse de l’histoire de la littérature. » Est-il vraiment possible d’ignorer cette galerie de portraits féminins, qui jalonnent, scandent, animent tout le récit ? D’ignorer également l’interrogation sur la femme qui nourrit la majeure partie des œuvres brèves de Musil, moins lues et pourtant révélatrices. Comme le sont les lectures inattendues de Musil, les « mystiques » Maeterlinck et Emerson, l’étrange ethnologue, Bachofen, mais aussi Klages et même « l’enfant de volupté », d’Annunzio. Il s’agissait donc de rendre compte de cette présence continue de la femme, du féminin dans l’œuvre de Musil, en montrant le rôle qu’il leur attribue, certes dans les relations amoureuses dont le héros principal, très autobiographique, se dit « altéré », mais aussi dans le rapport au réel, qu’il s’agisse de la confrontation scientifique ou sociale avec le monde, où elle apparaît comme la grande conciliatrice identifiée par Simone de Beauvoir, issue du rêve masculin, qu’il s’agisse aussi de l’expérience de l’écriture dont l’ironie musilienne, façonnée par la culture viennoise, atteste qu’elle est une mise à distance. Quand le songe est une vie, quel est le rôle de la femme, des femmes, dans la diversité de leurs caractères, et sont-elles prêtes à admettre la condition que l’époque, Vienne et l’homme en général leur assignent ?