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Les écrits d'extrême droite, voire favorables à l'Allemagne nazie, du Cioran des années 30 ne laissent pas de nourrir la stupéfaction chez le lecteur admiratif de son oeuvre française. Julien Santa Cruz établit ici les faits et les dires en analysant une centaine d'articles - publiés avant la guerre - et les premiers ouvrages du philosophe. L'orientation fascisante du jeune Cioran ne saurait être réduite à l'immaturité ou aux circonstances, et relève d'un goût bien affirmé pour la démesure, renforcée par une pensée ambiante hostile à la démocratie. Certes, il ne s'agit pas vraiment d'une adhésion idéologique aux thèses hitlériennes, mais d'une réponse par la violence du verbe au sentiment du vide, aux tourments identitaires et même métaphysiques qui l'assaillent alors. Julien Santa Cruz voit dans ce moment exalté, et parfois hystérique, de la biographie de l'écrivain l'origine et la clef de son fameux nihilisme. Ainsi se comprennent mieux la profondeur de son scepticisme, et le choix éthique de sa renonciation ultérieure à toute forme d'engagement pour une idée, quelle qu'elle soit.