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La musique est l’art moderne par excellence. À la musique, tout l’univers se donne, les choses comme les êtres. Le monde du dedans et le monde du dehors lui appartiennent ; les sensations et les sentiments sont de son domaine et dans son obéissance. Entre la nature et la musique, il est des affinités certaines ; pour l’oreille autant que pour les yeux, la création est harmonie. Dans les flots, les vents, les bois, au fond des vallées et sur les cimes, le matin et le soir, il y a des voix qui chantent, qui permettent que la musique écoute et redise leurs chants. Pourtant c’est à propos de la nature, que dis-je ! avec elle, que la musique a été le plus méconnue, et cela, par un poète de la nature, Victor de Laprade. « La musique, a-t-il écrit, est l’expression la plus complète, la plus despotique du sentiment de la nature. Or la prédominance du sentiment de la nature, c’est la dissolution de l’homme moral. » Chez un poète surtout, on peut s’étonner de cette rigueur. Laprade était-il donc spiritualiste au point de condamner comme trop matériels les ruisseaux et les arbres, ces arbres que lui-même a tant célébrés? Plus sévère que le Créateur, refusait-il à la création un regard d’admiration et de complaisance? D’où lui venaient ces scrupules de moraliste et cette pédante vertu? Pour son activité, pour sa liberté, pour toutes ces prérogatives d’âme, dont il nous entretient hors de propos, il craignait la nature.