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Dans les temps modernes, la notion du droit s’étend sans cesse à des objets nouveaux ; juger aujourd’hui les questions sociales avec les idées du droit antique, c’est comme si on voulait mesurer les obligations de l’homme civilisé aux idées morales du sauvage ; la justice n’échappe pas plus que tout le reste à la grande loi de l’évolution et du progrès. Un des plus remarquables exemples de cette évolution, c’est la tendance de la justice à absorber en elle la fraternité même. Dans notre société telle qu’elle existe en fait, l’exercice de la fraternité ne serait-il pas le plus souvent une pure justice, un moyen d’acquitter envers les autres une dette tantôt personnelle et tantôt collective, en un mot une simple réparation ? L’apparent octroi d’une faveur ne serait-il point dès lors l’incomplète reconnaissance d’un droit moral ? — Pour le savoir, nous commencerons par étudier en elle-même la fraternité, à laquelle beaucoup d’écoles contemporaines s’adressent encore pour fonder la science sociale. Nous verrons ensuite si les prétendues œuvres de bienfaisance privée et surtout publique ne se ramènent pas à l’exercice, plus ou moins bien entendu, plus ou moins bien organisé, mais encore très insuffisant, d’une forme de la justice absolument essentielle, quoique négligée et confondue avec la charité ; nous l’appellerons la justice réparative.