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Deux ans et demi après son entrée en vigueur, il est possible de tirer un bilan des vices et des vertus de la « loi Chevènement ». On se souvient que cette nième réforme de l’ordonnance du 2 novembre 1945 avait été présentée, avec tambours et trompettes, par le gouvernement Jospin comme un grand projet modernisateur en matière d’immigration. Désormais, avait promis le premier ministre, la politique de la France serait « ferme et digne ».A la pratique, la fermeté l’a amplement emporté sur le souci de dignité. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque le gouvernement avait pris soin de ne pas abroger les lois Pasqua de 1993 et que M. Chevènement avait, dès l’adoption de sa loi par le Parlement, adressé une circulaire d’application aux préfets, qui verrouillait méthodiquement les quelques dispositions un peu novatrices — sur le papier — de sa réforme ?Dans sa prochaine livraison intitulée « Beaucoup de bruit pour rien », à paraître au début de janvier 2001, « Plein Droit », la revue trimestrielle du GISTI, examine point par point les effets des nouveautés de la loi Chevènement. Il en ressort le constat que rien ou presque n’a changé pour les étrangers, sinon peut-être une multiplication de décisions contradictoires des préfectures qui semblent procéder de plus en plus à la tête du client.Pour s’en tenir aux deux principales innovations, on peut conclure que la montagne n’a pas même accouché d’une souris : l’asile territorial (art. 12 ter de l’ordonnance modifiée du 2 novembre 1945) s’avère être purement ornemental dans la réglementation, puisque 95 % des postulants reçoivent une fin de non-recevoir sans autre forme de procès ; le respect de la vie privée et familiale (art. 12 bis) s’apparente davantage à une loterie aléatoire qu’à un moyen d’assurer la régularisation des étrangers installés dans la société française.La véritable innovation du dispositif réglementaire inventé par le gouvernement Jospin est ailleurs. En permettant à l’administration de traiter les étrangers à peu près comme elle le souhaite, ce dispositif permet aussi d’adapter la distribution de cartes de séjour aux besoins du marché du travail. La réforme Chevènement est donc essentiellement une réforme d’inspiration libérale qui, une fois de plus, repose sur une conception utilitariste des étrangers.A noter que le ministère de l’intérieur n’a pas communiqué au Gisti ses statistiques pour l’année 1999. Aurait-on perdu les chiffres Place Beauvau, ou leur publication risquerait-elle de révéler des données jugées gênantes ?