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Si l’on cherche le principe générateur de l’ironie, il semble qu’on le rencontre dans une sorte de dualisme qui peut revêtir différentes formes et donner lieu à diverses antinomies. C’est tantôt le dualisme de la pensée et de l’action ; tantôt celui de l’idéal et du réel, tantôt celui de l’intelligence et du sentiment ; tantôt celui de la pensée abstraite et de l’intuition. Ce dernier dualisme forme, comme on sait, d’après Schopenhauer, le fond même de l’explication du ridicule. — On sait que, suivant Schopenhauer, ce qui provoque le rire, c’est une incompatibilité inattendue entre l’idée préconçue (abstraite) que nous nous faisons d’une chose et l’aspect réel que nous montre soudain cette chose et qui ne répond nullement à l’idée que nous nous en étions faite. — Le problème de l’ironie reçoit quelque lumière de cette explication du rire. « Quand un autre rit de ce que nous faisons ou disons sérieusement, nous en sommes vivement blessés, parce que ce rire implique qu’entre nos concepts et la réalité objective, il y a un désaccord formidable. C’est pour la même raison que l’épithète « ridicule » est offensante. Le rire ironique proprement dit semble annoncer triomphalement à l’adversaire vaincu combien les concepts qu’il avait caressés sont en contradiction avec la réalité qui se révèle maintenant à lui. Le rire amer qui nous échappe à nous-mêmes quand nous est dévoilée une vérité terrible qui met à néant nos espérances les mieux fondées est la vive expression du désaccord que nous reconnaissons à ce moment entre les pensées que nous avait inspirées une sotte confiance aux hommes ou à la fortune et la réalité qui est là devant nous. » Ainsi le rire et l’ironie auraient une même source. Mais d’où vient que le rire est gai, tandis que l’ironie est plutôt douloureuse ? Schopenhauer a bien expliqué la raison de l’élément de gaîté inclus dans le rire ; mais il n’a pas insisté sur l’élément de douleur et même d’angoisse qui se glisse souvent dans l’ironie.