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«On s'explique comment il se fait que le mythe de la chute est, sous une forme ou sous une autre, si universellement répandu. Un lucide et vigoureux esprit critique, K. Müllenhoff, a dit et prouvé par de remarquables exemples que des mythes analogues peuvent naître partout où les conditions de la nature ambiante se combinent d'une manière analogue avec la vie et les habitudes propres aux divers peuples, et qu'ainsi les mythes qui se ressemblent ne prouvent pas toujours qu'ils proviennent d'une source unique qui, dans l'espèce, serait l'apologue de la chute tel que le donne la Bible. Notre mythe montre d'ailleurs une telle variété de forme et de détails, que cela seul suffit déjà pour nous autoriser à repousser l'argument de l'emprunt en faveur de la source où a puisé la Genèse mosaïque. Néanmoins, un fait général domine tous les mythes de cette famille, et ce fait auquel, astreint à l'interprétation directe, nous avons à peine touché dans notre livre, c'est l'apparition qui s'y dégage d'une force nouvelle de l'humanité. Cette force est celle qui achève de constituer l'homme, car c'est la conscience consciente, la connaissance réfléchie. L'homme l'avait de tout temps possédée en principe, il en avait naturellement la capacité, mais il fallait une occasion (zufall) pour qu'elle se produisît. Le mythe nous la montre qui jaillit de l'attraction mutuelle et réciproque de la nature intérieure et de la nature extérieure, puis du contrat étroit qui s'ensuit. Dans ce rapprochement intime, dans cette chute l'un vers l'autre de deux corps destinés à se compléter pour former l'homme définitif, le Prométhée enchaîné, s'il ne se délivre pas de ses attaches cosmiques, ce qui d'ailleurs est impossible, discerne du moins la nature comme sa cause et sa fin, et éclaire ainsi sa propre situation avec le flambeau de la lumière intellectuelle.»