Prix public : 18,00 €
«Ami Lecteur, J’avais résolu de ne point rendre ce petit Traité commun, puisque je n’en voulais donner la communication qu’à quelques Amis particuliers. Mais l’aveuglement que j’ai remarqué en plusieurs, qui consommaient le plus liquide de leurs biens, à la recherche de cette Pierre Philosophale, dont on parle tant, m’a obligé de leur faire part de ce petit discours, qui leur servira de fanal pour éviter les écueils, où sans doute ils feraient naufrage, se laissant emporter inconsidérément aux vagues d’une vaine Espérance, et d’un désir immodéré de devenir riches. Et pour dire la vérité, je ne crois pas qu’il n’y ait rien de plus ridicule, que telle sorte de gens, qui ayant ouï parler du magistère des Sages, ou lu dans quelques livres les grands effets que l’on lui attribue, (dont le moindre est de faire de l’Or et de l’Argent en quantité infinie,) se laissent (suivant l’inclinaison naturelle que les hommes ont d’être riches) si facilement persuader à cette passion, qu’ils quittent toutes choses, pour s’attacher à la conquête de la toison d’or, s’imaginant que pour y arriver, il n’y a qu’a bâtir des fourneaux, à brûler du charbon, et à casser des verres, et se flattent de ce faux raisonnement, que s’il est vrai que d’autres y soient parvenus, ils y pourront aussi parvenir. Dans cette imagination ils tentent toutes sortes de voies, et se servent de tous les moyens, dont ils se peuvent aviser, pour découvrir un si grand secret ? Les uns par la lecture, les autres par le travail. D’autres qui croient être plus fins tâchent de l’escroquer, (de ceux qui croient le savoir) par des souplesses, des subtilités, et des artifices, (j’en connais plus de ceux-là, que des autres) et après par une perfidie inouïe, déclament contre ceux dont ils publiaient auparavant les louanges, pour ne se pas témoigner leurs obligés. Il y en a que trop de la sorte dans le mondes, surtout un certain personnage, qui par une vanité de persuader qu’il savait quelque chose au-dessus du commun, s’est voulu titrer du nom de faiseur de toutes choses, et qui dans le fond ne savait rien, dont un certain Philosophe par un effet de bonté toute particulière (le croyant plus sincère, qu’il ne s’est depuis montré) lui donna le moyen de se relever de la mauvaise réputation qu’il s ‘était acquise par l’administration de ses Remèdes violents, et vomitifs, et s’acquérir une gloire avec profit, par les effets surprenants des Remèdes qu’il donna de la part de son Philosophe, dont ayant eu puis après la connaissance, pour ne se pas témoigner son obligé et s’en acquérir toute la gloire, dans la croyance qu’il ne le reverrait jamais, voulait faire entendre que par ses spéculations (quoique Docteur sans lettres) il était parvenu à la connaissance de si grands secrets…»