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Forte au début du XXe siècle de plus de 100 000 personnes, la communauté juive de Turquie ne représente plus aujourd'hui qu'un dixième de ce chiffre. Alors qu'elles voyaient nombre de leurs proches partir et qu'elles s'interrogeaient sur leur propre avenir, Rita Ender et Reysi Kamhi, toutes deux natives d'Istanbul, ont demandé à trente jeunes Juifs de Turquie de choisir un objet de famille et de leur en confier l'histoire. Au fil de ces conversations intimes, s'esquisse peu à peu la vie de communautés, de familles et de personnes qui se croisent sans jamais se confondre. Autant d'attitudes et de choix différents, marqués par les épreuves de la guerre et de l'émigration qui viennent plus d'une fois rompre la chaîne des générations. La question de la transmission n'en demeure pas moins vive, qu'elle s'éprouve sur le mode de la fidélité, de l'absence ou de la nostalgie. Entre attachement à une culture qui s'éteint – au premier rang de laquelle la langue judéo-espagnole – et attrait irrésistible de la modernité, les jeunes Juifs de Turquie se cherchent un avenir qui passe souvent par l'exil, mais aussi par la nécessité de préserver certains liens affectifs avec leurs racines. Cette tendresse et cette infinie compréhension, c'est surtout auprès de leurs grands-parents qu'ils l'éprouvent. Leur cuisine exprime mieux que les mots l'amour filial. C'est encore leur portrait qui apparaît en filigrane de chacun des objets de famille et qui les suit même après leur disparition. Si les jeunes Juifs de Turquie paraissent si étonnamment modernes, mobiles et créatifs, peut-être le doivent-ils à ces grands-parents, qui sans porter de jugement ont su leur transmettre leur confiance et leur art de vivre.