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À proprement parler, elle demeure une énigme. Si la date de sa mort ne souffre aucun doute : 1950, à Paris, celle de sa naissance demeure un mystère, entre 1875 et 1880, mais où ? Et pour chacune de ses activités artistiques, elle n’a cessé de s’affubler de masques en signant ses œuvres de noms masculins : Léonard Pieux pour la poésie, François Angiboult pour la peinture, et Roch Grey pour la prose. Elle était, autrement dit, la baronne Hélène d’Œttingen, originaire d’Ukraine et venue s’installer à Paris, à l’aube du XXe siècle, où elle tiendra boulevard Raspail un salon où se retrouveront Cendrars, Apollinaire et Max Jacob, dans un appartement sur les murs duquel se trouveront accrochées des toiles de Braque, Henri Rousseau, Modigliani ou Picasso… Également se fera-t-elle mécène en soutenant, par exemple, la revue d’Apollinaire et d’André Billy : Les Soirées de Paris. La personnalité fantasque du personnage ne doit pas cependant occulter son importante activité créatrice, notamment son œuvre romanesque, dans laquelle figure Les trois lacs, ce texte si singulier, si déroutant à première vue, où le narrateur adopte tout à tour un point de vue masculin ou féminin ; texte inclassable, sorte de journal de voyage se développant par traits et par saccades, par croquis constitués d’éléments prélevés parmi la prodigieuse profusion du monde. Un texte, quoi qu’il en soit, qui doit nous faire envisager que ce Roch Grey ou cette Hélène d’Œttingen peuvent compter dans l’histoire de la littérature moderniste.