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Le discrédit qui pèse sur l'érudition depuis les Lumières et la sentence rendue à son encontre par la théorie et la critique littéraires au XIXe siècle n'ont pas occasionné, tant s'en faut, l'éreintement de la notion. Détournée de ses fins de connaissance, dégagée de l'établissement d'un savoir fiable, l'érudition s'en fut hanter la conscience des écrivains, Flaubert en tête. Michel Foucault aura été l'un des premiers à noter l'empire qui s'ensuivit de la fiction sur le savoir et la mémoire. Ainsi promue affaire d'imagination, l'érudition s'implante dans le roman, qui représente des démarches savantes, des enquêtes critiques : Aragon, Borges, Nabokov, Queneau, Simon, Pinget, Perec, Roubaud, Quignard, Yourcenar s'en emparent. L'érudit que donnent à voir leurs récits est moins un savant qu'un fou ayant le goût de l'archive, un excentrique esseulé dans une bibliothèque ou formidable ou fabuleuse, un mélancolique égaré dans un monde qu'écrase une mémoire impuissante. De ce fond aride, l'érudition imaginaire tire, elle, une étonnante fécondité : elle invente des dispositifs insolites, elle débauche la langue et le lexique, elle modifie la conduite du récit en s'appropriant les méthodes érudites. Critiqué, déstabilisé, mais réenchanté, le savoir devient objet de fabulation. Il livre alors des personnages supposés, des histoires fictives, des sources apocryphes. Ce faisant, il signe la suprématie du roman sur les autres formes de récit, en le rendant capable de s'accaparer tous les discours, y compris le discours critique.