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Depuis Platon et Aristote, la théorie et l'histoire littéraire nous avaient habitués à admettre que l'absence de narrateur externe était l'une des constantes du texte dramatique. Or aujourd'hui, certains récits de Beckett et de Duras nous invitent à mettre en question l'apparente universalité de ce trait générique. Défiant les partages les mieux établis par la tradition, leurs oeuvres font en effet intervenir - à plusieurs niveaux - des narrateurs scéniques. Les romans et les textes à vocation théâtrale de ces deux auteurs font ici l'objet d'analyses minutieuses. La présente étude montre comment l'introduction du 'mode narratif' dans le théâtre permet néanmoins à Beckett de maintenir la frontière entre les genres, alors que les textes de Duras la suppriment. Chez Beckett, les articulations des dispositifs narratifs et dramatiques font directement écho au sort réservé à la question de la subjectivité. Explorant les lisières du genre dramatique pour se mesurer à ce qui en fait finalement la spécificité, les textes de cet auteur représentent des situations limites où le 'moi' se confronte à autant d'expériences radicales. Chez Duras en revanche, la fusion des genres littéraires recoupe celle à laquelle le récit scénique soumet les identités des protagonistes. Elle répond ainsi - à travers la question de la passion amoureuse - à toute une thématique de l'indifférenciation et du dépassement du moi, abondamment exploitée par la littérature contemporaine.