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Pendant tout le Moyen Age, la musique n'a cessé de nourrir la spéculation dans les domaines mathématique et philosophique ainsi que d'inspirer l'art et la spiritualité, où elle est conçue comme le fondement de l'harmonie divine et humaine. Réalisant la synthèse de ces traditions, Jean Gerson élabore une théorie de l'ascension mystique à partir de ce modèle musical: au moyen d'une série de correspondances entre musique sensible et vie spirituelle, il décrit une gamme mystique dont les «voix affectives» sont disposées selon des principes empruntés au calcul des intervalles musicaux. Ce «chant du coeur», le Canticordum, que la Vierge Marie a fait entendre de manière incomparable dans son Magnificat trace pour le chrétien le chemin d'un pèlerinage vers Dieu.Sans jamais réduire la musique audible au rang de simple outil pédagogique, Gerson maintient le «chant de la bouche» dans sa dignité liturgique et anagogique: la voix de la louange demeure un moyen adéquat pour approcher Dieu et le chant du coeur ne vise en fin de compte qu'à prolonger cet élan amoureux de l'âme. Transcendant toutes les formes concevables d'harmonie, la gamme mystique culmine ainsi dans une sorte d'unisson polyphonique avec la Trinité, au sein d'un chatoyant concert aux dimensions de l'univers.Produisant l'édition critique, accompagnée de leur traduction, des textes consacrés au Canticordum, Isabelle Fabre examine les multiples aspects d'une théorie originale et reconsidère l'évolution de la pensée gersonienne, jalon, s'il en est un, de l'histoire de la théologie mystique à la fin du Moyen Age.