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Aucun autre livre, hormis peut-être la Bible ou l'Odyssée, n'a imprégné aussi profondément la littérature que les Mille et une nuits depuis leur apparition en Occident sous la plume de leur premier traducteur, Antoine Galland. De Proust à Salman Rushdie, de Balzac à Naguib Mahfouz, tant d'écrivains amoureux de Schéhérazade partagent cette ambition : réinventer, sans les imiter, les Mille et une nuits. De là l'inépuisable variété de ces réécritures modernes, qui toutes ressemblent au modèle sans pour autant se ressembler entre elles. Pourtant, dans cette profusion, quatre courants dominent, fournissant les quatre volets de l'étude de Dominique Jullien. La lecture politique des Nuits : « Le prince déguisé, symbole politique et motif poétique », s'attache à un motif qui fera fortune dans le roman populaire du XIXe siècle, celui du héros princier qui, à l'instar du calife Haroun Al-Raschid, se déguise en homme du peuple pour faire le bien. La lecture esthétique : « Schéhérazade fin-de-siècle », analyse la réception de la traduction Mardrus dans le milieu littéraire et culturel de la Belle Epoque. La lecture féministe : « Schéhérazade s'émancipe », montre le rôle-clef de la version Mardrus dans les lectures féministes qui se développent à partir des années vingt, aboutissant à la romancière Assia Djebar et à sa réécriture pessimiste des Nuits dans le contexte de la montée de l'islamisme. La lecture introspective : à travers une analyse du Portrait de l'artiste en jeune singe, variation autobiographique de Michel Butor sur l'«Histoire du second calender », le quatrième chapitre, « Schéhérazade au miroir : l'aventure introspective », se penche sur une tradition herméneutique qui voit dans les contes une aventure intérieure, une image du processus créateur. Voici donc, de Restif à Butor, l'histoire de la réécriture française des contes arabes.