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Publié en 1554, sans nom d'auteur, le Lazarillo de Tormès raconte, sous la forme d'une confession, les aventures juvéniles d'un crieur public qui s'estime parvenu au comble du bonheur en faisant ménage à trois avec la servante d'un archiprêtre. Mais, sous ces apparences facétieuses, se cache mal une satire de l'Espagne de Charles Quint, ce qui lui valut d'être mis à l'index en 1559. Aussi bien a-t-on été tenté d'y voir la main d'un écrivain érasmisant, mais les attributions récemment faites à Juan de Valdès ou à Juan Luis Vivès sont inconciliables avec la date de sa composition, qui a pu être fixée postérieurement à leur mort. Cette objection ne vaut pas, par contre, pour Francisco de Enzinas qui, déjà célèbre dans les milieux de la Réforme par ses traductions de l'Institution de la religion chrétienne de Calvin et du Nouveau Testament révisé par Erasme, projeta en 1548 de publier, par nécessité financière, un « livre en espagnol », que l'on a pris à tort pour une simple traduction du latin ou du grec. Selon l'hypothèse émise par Roland Labarre, il ne s'agissait de rien de moins que du Lazarillo de Tormès qui, resté à l'état de brouillon lorsque Enzinas mourut le 30 décembre 1552, aurait été acquis par le libraire Arnold Birckmann, lequel l'aurait lui-même grossièrement remanié avant de le remettre à l'imprimeur anversois Martin Nuyts. Ainsi s'expliqueraient les nombreuses erreurs des princeps auxquelles s'emploie à remédier l'édition de Roland Labarre.