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« L'arbre gémit, soupire, pleure d'une voix humaine », et Michelet ajoute : « On croit que c'est le vent, mais c'est souvent les rêves de l'âme végétale ». Aux XVIe et XVIIe siècles, botanistes, romanciers et philosophes ont eux aussi rêvé et pensé la plante, en lui conférant un statut moral et ontologique équivoque. Car, sous leur plume, brouillant les frontières entre flore, faune et humanité, parfois l'esprit et le désir viennent aux plantes. Dès lors ce n'est plus seulement la mise en valeur de l'intelligence animale, mais aussi la promotion d'une pensée et d'une sensibilité végétales qui nourrissent la critique de l'anthropocentrisme dans l'Europe pré-moderne. Un tel trouble catégoriel, bien sûr, inquiète et stimule les efforts pour comprendre et distinguer les différentes sortes de vivants. Mais le problème, philosophique, est aussi religieux. La revalorisation de l'âme inférieure des plantes se situe du côté de la dissidence doctrinale, l'être végétal menaçant de destituer l'homme. Cet essai veut donc montrer que le monde de Flore a été utilisé pour subvertir le principe d'un étagement clair entre les règnes, au profit d'une conception plus poreuse des frontières du vivant.