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La société antique tenait ses morts à bonne distance de la cité, enfermés dans de vastes nécropoles ou dans des mausolées familiaux, le long des routes. Au Moyen Âge, les morts furent au contraire attirés au coeur de l'habitat et ensevelis, le plus souvent de manière collective et anonyme, dans des terrains protégés que la population labourait et retournait régulièrement. Ces lieux, auxquels fut bientôt donné le nom de «cimetières», accueillaient aussi des artisans dans leurs ateliers, des marchands dans leurs échoppes, des spectacles et des jeux, ou encore des assemblées de justice. La cohabitation entre les vivants et les morts constitue assurément l'un des traits originaux de la société médiévale. Dans les villages et les villes, la terre funéraire mêlée des restes des défunts jouxtait les édifices de culte solennellement consacrés par les autorités ecclésiastiques et, au terme d'un long processus dont ce livre retrace l'histoire, elle devint, tout comme l'église, un espace sacré. Ce phénomène d'ancrage de la communauté des vivants dans la terre sacrée des morts, sous la surveillance des clercs, manifeste le rôle fondamental joué par l'Église dans l'organisation de la société occidentale et dans l'élaboration d'un ordre nouveau, fondé sur le sacré, la terre et les morts.