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L'Europe d'aujourd'hui ressemblerait-elle à celle de 1914 ? N'est-elle pas minée par les droits des minorités, par les particularismes religieux et linguistiques ? En Ukraine, en Russie, en Biélorussie et en Crimée, les revendications de souveraineté nationale se font une nouvelle fois entendre. En Hongrie, les hostilités ont repris contre les Roumains au sud et contre les Slovaques au nord. Serbes et Croates se sont entretués et se sont unis pour tuer les Bosniaques au nom de leurs droits nationaux. Les Serbes ont lancé une vaste offensive visant à chasser les Albanais du Kosovo, et, après les bombardements déclenchés par les forces de l'OTAN, les Kosovars se vengent contre la minorité serbe d'Albanie avec la même brutalité que leurs anciens oppresseurs. À l'origine de ces conflits, au fondement de ces revendications, une même mystification historique : chacun de ces peuples, existant de toute éternité, aurait dans un passé lointain acquis le droit de propriété du territoire qu'il revendique aujourd'hui pour sien. C'est ainsi que les Germains seraient «nés» au Ier siècle, les Francs au Ve siècle, ou les Croates au VIe siècle. Une vision de l'histoire inventée par le XIXe siècle, sous l'influence des romantiques et des idéologues nationalistes, qui imprègne les discours identitaires aujourd'hui. À la fiction du «Nous étions là les premiers», Patrick Geary, grand spécialiste du Moyen Âge, oppose une Europe médiévale sans cesse remodelée par les conquêtes et les migrations : une Europe multiculturelle avant l'heure. Il signe ainsi un livre engagé, contre les manipulations de l'Histoire par les nationalismes ethniques.