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Au cours des dernières décennies, la croissance sans précédent de toutes les formes de déplacement fait sans doute partie des phénomènes qui ont le plus marqué les évolutions de la ville. Cependant, tous les groupes sociaux ne sont pas concernés au même titre par l'explosion de la mobilité et celle-ci constitue aujourd'hui un véritable discriminant social. La faible mobilité des «pauvres» apparaît ainsi, aux yeux de certains auteurs, comme un handicap dans une société où l'aptitude à se mouvoir serait devenue une valeur centrale. C'est en partant de cette approche que des politiques tendant à favoriser la mobilité des personnes les plus démunies ont été mises en place. Dans un premier temps, ces actions ont été centrées sur le désenclavement des quartiers concentrant les populations pauvres par le biais d'une amélioration de l'offre de transports en commun. Plus récemment, les politiques se sont davantage axées sur le développement de la mobilité individuelle considérée comme un moyen privilégié d'intégration professionnelle et sociale. À partir d'exemples pris en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, cet ouvrage tend à montrer que si l'accès à la mobilité est une ressource dont il est évidemment nécessaire de doter les habitants des «quartiers pauvres», il est beaucoup plus contestable de transformer l'objectif d'amélioration de la mobilité en injonction à la mobilité, comme l'évolution récente des politiques d'insertion semble en témoigner. En effet, si l'incitation à bouger devient obligation, il est à craindre que les habitants des quartiers en difficulté y perdent une bonne partie de leurs ressources, fondées aujourd'hui sur la proximité et les réseaux sociaux au sein du quartier.