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« [.] la philosophie politique noue une liaison particulière avec l'écriture. Celui qui s'y adonne ne peut entièrement céder à l'illusion de se détacher de son temps, de la société qu'il habite, de la situation qui lui est ainsi faite, des événements qui l'atteignent, du sentiment d'un avenir qui se dérobe à la connaissance et qui à la fois excite son imagination et le ramène à la conscience de ses limites. Il sait, au moins tacitement, que son oeuvre tombera dans les mains des lecteurs que ses propos affectent parce qu'il lève des questions qui, directement ou indirectement, les concernent et portent atteinte à leurs préjugés. Il ne peut pas fournir des arguments à des hommes qu'il tient pour des adversaires, des imbéciles ou les dévots d'une doctrine, ni en séduire d'autres, empressés à se saisir de telle ou telle de ses formules et, sans l'entendre, à se faire ses partisans, à l'élire comme le héros d'une cause. Ecrire, c'est donc pour lui, tout particulièrement, l'épreuve d'un risque. [.] Nul doute, c'est au vrai qu'il tend, sans quoi il ne serait pas philosophe ; mais il lui faut se frayer, par un chemin sinueux, un passage dans le monde agité des passions. » C'est ce passage singulier que Claude Lefort éclaire magistralement dans ce volume d'essais, abordant des auteurs aussi différents que Tocqueville et Sade, Guizot et Machiavel, Orwell et Pierre Clastres, Salman Rushdie et Leo Strauss. Au fil de ce parcours se dégagent les éléments d'une « autobiographie intellectuelle » qui font de Ecrire ; à l'épreuve du politique la meilleure introduction qui soit à l'oeuvre de Claude Lefort.