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« Quelle est la portée de mon savoir, quelles en sont les limitations ? Voilà un problème qui me préoccupe depuis toujours. Il me semble qu'on néglige trop souvent le moment proprement vécu de la cognition, le savoir tel qu'il se fabrique, tel qu'il se vit, tel qu'il s'exprime, tel qu'il se réalise, tel qu'il subsiste en nous. En effet, quand on va au bout des choses, on constate que les disciplines cognitives spécialisées se fondent en fin de compte sur le fait très banal que chacun de nous sait beaucoup de choses, de bien des manières, et dans des domaines les plus divers : je sais respirer, je sais marcher, je sais nager, je sais réparer une machine, je sais conduire une voiture, je sais parler, je sais lire, je sais calculer, je sais l'anglais, je sais apprendre, je sais enseigner, je sais rire, je sais me mettre en colère, je sais décider, je sais que je sais, et bien des choses encore. On peut aborder ces situations cognitives si diverses selon deux voies principales, l'une en profondeur et l'autre en surface. La voie en profondeur, dans laquelle se sont engagées les disciplines cognitives classiques, creuse, déblaie, démonte, dans l'intention d'atteindre un niveau élémentaire, considéré comme matériellement fondateur. L'autre démarche qui est celle que je préconise ici consiste à se placer plutôt à la surface du phénomène cognitif. Son objet est d'éclairer en rase lumière la situation cognitive en action, pour y percevoir les aspérités et les variations de ses déroulements possibles, pour observer l'activité cognitive dans son évolution propre. Mon intention ici est donc de changer de point de vue, de regarder autrement la problématique du savoir, non pas sous l'aspect de sa portée, de sa validité, de ses applications, mais de considérer le phénomène cognitif dans son entièreté, comme quelque chose dans lequel nous sommes entièrement immergés. » Jacques Schlanger .