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Dès leur parution, Les Fleurs du Mal provoquèrent un tel scandale que le recueil dut être repensé en entier. La seconde édition du livre, considérablement augmenté en réaction à son immédiate défiguration, mit quatre ans à paraître. De cette infortune, Baudelaire fit une vertu. On connaît la suite : il ne cesserait dès lors plus de revenir sur ses poèmes, n'écrivant jamais qu'en se retournant sur soi-même. Ce besoin de retoucher l'oeuvre antérieure, non pas en vue de l'embellir mais de la détériorer, il faut vraisemblablement en chercher l'origine dans la sanction qu'on lui infligea dès le départ. Nulle part cette correction n'est plus apparente que dans ses Petits Poèmes en prose qui se présentent d'abord comme la copie ironique et dégradée des grands poèmes en vers. En apparence inachevée, cette réplique agressive n'en possède pas moins une unité qui lui est propre. De fait, quel que soit l'objet sur lequel Baudelaire choisit d'intervenir, c'est toujours de son écriture qu'il s'agit au fond, de son oeuvre dont la maîtrise semble lui échapper, à mesure qu'il cherche à l'achever : comment finir, par quel moyen boucler ce qu'il n'a eu de cesse de désigner comme un pendant à son unique recueil ? Cette inlassable et systématique intervention en prose sur sa propre matière poétique, cette repensée baudelairienne, est au centre de l'essai que Jean-Louis Cornille consacre aux Petits Poèmes en prose, une oeuvre sans nom.