Prix public : 14,50 €
Numéro dirigé par Pierre-Antoine Fabre et Muriel Pic Il y a cinquante ans mourait Georges Bataille. La France littéraire, qui vit pourtant au rythme des commémorations, a discrètement célébré cet anniversaire. Nul n’est prophète en son pays, dit un proverbe qui s’applique bien à Bataille. Parler de Bataille, à vrai dire, n’a jamais été chose aisée. L’admirer, c’est peut-être déjà édulcorer sa pensée, comme lui-même le disait de Sade. Que serait un hommage bataillien à Bataille ? « Sa » revue est-elle la mieux bien placée pour le lui rendre ? Et comment oublier d’ailleurs qu’elle l’a déjà fait, dans un mémorable numéro spécial paru en 1963, quelques mois après la mort de son fondateur ? Pour évoquer Bataille, nous avons choisi le grand écart. Entre la fin des années trente et le IIIe millénaire. Entre le cénacle du Collège de Sociologie et le collège planétaire de ses lecteurs d’aujourd’hui. D’où ce numéro Janus. Tourné vers le passé, vers les années d’avant-guerre et d’avant Critique, vers cette matrice turbulente, ce moment décisif et crucial de la vie intellectuelle (et pas seulement intellectuelle) de Bataille : le Collège de Sociologie. Et d’autre part tourné vers le présent le plus actuel, vers une postérité où la figure de Bataille se redécoupe, parfois étrangement, sur des horizons lointains. Premier volet donc : le petit monde du Collège de Sociologie, dont Denis Hollier nous a ouvert les portes dans un livre devenu classique. Monde minuscule, monde éprouvette, qui reste à maints égards énigmatique. La tragédie historique de la fin des années trente y côtoie la farce d’un déroutante mondanité d’avant la catastrophe. Il y a de l’absurde dans l’air de ces réunions improbables où se coudoient quelques-uns des meilleurs esprits du temps ; mais il y a aussi une indéniable beauté et grandeur du geste, même lorsqu’il porte à faux, chez ces hommes qui essaient de « penser à l’heure du danger ». Pierre-Antoine Fabre et Muriel Pic ont réuni pour ce dossier des études portant sur Bataille et ses associés, Caillois et Leiris ; à quoi s’ajoutent des témoignages (pour la plupart inédits en français) de Walter Benjamin, ainsi que des extraits du journal tenu par la seule femme qui ait assidûment suivi les réunions du Collège, Édith Boissonnas. Le second volet du numéro nous fait passer de ce petit monde au vaste monde : de l’étrange confrérie du Collège de Sociologie à un Bataille mondialisé par les développements souvent inattendus que sa pensée a trouvés au Japon et en Russie, en Allemagne et aux États-Unis, en Italie et aussi en France – mais une France qui n’est plus celle de 1963 et encore moins celle de 1938. Sommaire Georges Bataille et le Collège de Sociologie Georges Didi-Huberman : La colère oubliée Pierre-Antoine Fabre : La Compagnie de Jésus dans le Collège de Sociologie Denis Hollier : Hegel à la lumière de Mauss Laurent Jenny : Le principe de l’inutile ou l’art chez les insectes Dominique Kunz-WESTERHOFF : Face au nazisme. Faire image Muriel Pic : Penser au moment du danger. Le Collège et l’Institut de recherche sociale de Francfort Philippe Roger : Caillois. La guerre aux trousses * Bataille dans le monde Marcus Coelen : Hétérologie de la réception. Bataille en Allemagne Stefanos Geroulanos : Champs de Bataille dans le monde anglophone Yves Hersant : Bataille en Italie Elena Galtsova : Bataille en Russie Jean-François Louette : Du dégoût au sublime. Bataille en France Yoshikazu Nakaji : De l’émerveillement à la recherche. Bataille au Japon * Inédits d’Édith Boissonnas * Fragments de lettres de Walter Benjamin