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Ce numéro s’ouvre par un texte de Franz Brentano, « Philosophie scientifique et philosophie des préjugés » (1903), qui fait état de la critique brentanienne de Kant. Identifiant les jugements synthétiques a priori de Kant à des jugements dépourvus d’évidence (donc à des préjugés), Brentano entreprend de résoudre à nouveaux frais le problème de Hume en démontrant l’origine empirique des concepts métaphysiques fondamentaux – ceux de cause et de substance, mais aussi d’être, de nécessité, de pluralité, etc. Par une réflexion qui recourt à l’analyse descriptive des états mentaux, il jette ainsi les bases d’un empirisme renouvelé pour lequel il n’existe pas de concepts a priori, mais seulement des jugements a priori – thèse qui, développée notamment par Meinong et Stumpf, forme la matrice de la doctrine de la connaissance que les brentaniens opposent à celle des néo-kantiens. Le numéro se poursuit avec « L’expérience perceptive et son passif », où Robert Brisart s’attache à déterminer le rôle qui revient aux sensations dans le constructivisme de Husserl, c’est-à-dire dans une théorie où les objets sont ontologiquement dépendants du pouvoir sémantique de la conscience pure. Partant de la célèbre déclaration husserlienne du § 55 des Ideen selon laquelle « Toutes les unités réelles sont des unités de sens. Des unités de sens présupposent une conscience donatrice de sens », il montre que si la position initiale de Husserl est un réalisme qui considère les sensations comme de véritables contenus fondateurs, après le tournant transcendantal, l’idée de donné sensoriel n’est en revanche pour lui qu’un mythe, et le domaine sensoriel ne peut plus coïncider avec la prétendue passivité de l’expérience perceptive. Dans « Pour une esthétique de la vérité », Julien Pieron prend au sérieux le couplage effectué par Bachelard entre les notions de beauté et de vérité scientifiques ; relisant, à la lumière de l’analytique kantienne du beau, ses descriptions de l’émergence du vrai, il tente de montrer que le concept de beauté scientifique est davantage qu’une métaphore, et que l’épistémologie historique de Bachelard propose une redéfinition « esthétique » de l’objectivité et de ses normes. Si Kant permet ainsi d’éclairer Bachelard, ce dernier permet en retour d’effectuer une lecture non kantienne de Kant, et d’actualiser une virtualité métaphysique qui sommeillait dans la Critique de la faculté de juger. Dans « Pour une philosophie de l’inintentionnel », Oliver Dubouclez propose une réflexion philosophique sur l’action qui adopte pour paradigme les actes de l’acteur dans une représentation théâtrale ; à partir du commentaire d’un texte de Valère Novarina ainsi que des liens qui, au fil de la lecture, se tissent avec la théologie, mais aussi avec la philosophie de Tchouang-Tseu, se construit le concept de l’inintentionnel, qui désigne la manière dont l’acte intentionnel peut excéder sa propre visée et se muer en un paradoxal « acte passif », pour donner jour au quasi miracle de la performance. D. P. Sommaire Franz BRENTANO Philosophie scientifique et philosophie des préjugés Présenté par Arnaud Dewalque Robert BRISAT L’expérience perceptive et son passif. A propos de sensations dans le constructivisme de Husserl Julien PIERON Pour une esthétique de la vérité. De Kant à Kant en passant par Bachelard Olivier DUBOUCLEZ Pour une philosophie de l’inintentionnel. Penser l’acteur avec Novarina et Tchouang-tseu Notes de lecture