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« Il n’y a plus que la cuisine et le mari, le ciel gris derrière la mousseline des rideaux, et ce présent dont il faut bien se contenter. Ce présent est sa prison. Plus jeune, elle l’a supporté parce que, concevant l’avenir comme un espace vierge, un monde à lui tout seul, elle a cru que celui-ci prendrait un jour la place de celui-là et changerait le goût de sa vie. Mais le temps n’a fait que traverser son corps. Il est passé, la laissant là, inchangée avec sa façon d’appréhender les choses et les gens. L’avenir s’est rétréci tellement qu’il s’est confondu avec le présent et empêche désormais toute espérance de se déployer.» Chaque soir, Marie commence sa ronde : il faut être certain que tout est bien fermé, chaque volet, chaque fenêtre, que l’on n’a surtout pas oublié d’éteindre la lumière. Marie est une vieille femme : elle ne veut pas être dérangée. Elle veut que chaque chose soit à sa place, que chaque jour s’écoule comme la veille, sans imprévu, sans douleur, qu’elle puisse contempler tout ce que la vie lui a permis de rassembler et d’accumuler : les objets, les photos, les souvenirs. Aujourd’hui cette vie sans histoires lui convient. Mais, avant, elle voulait vivre, elle cherchait la passion et les drames, la souffrance, la sienne et celle des autres, de tous ceux qui l’entouraient. Elle s’est mariée, a eu deux enfants, elle a hérité de la maison de ses parents, mais a-t-elle vécu ? Et comment a-t-elle vécu ?