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État immatériel de la personne, la santé fait certainement partie des "valeurs absolues" au sens kantien du terme, qui par opposition aux "valeurs relatives" n'ont pas d'équivalent, pas de "prix". Pour cette raison, la santé peut être considérée comme une valeur non marchande, supérieure aux intérêts marchands. Pourtant, les produits - notamment les éléments et produits issus du corps humain - et services - notamment les actes médicaux - de santé ont progressivement intégré la sphère des échanges commerciaux internationaux, à tel point que l'on constate aujourd'hui l'existence d'un véritable "marché international de la santé". Cette extension du champ de la commercialité est même amplifiée par les solutions offertes par la méthode des conflits de lois, qui permettent aux personnes privées de mettre en concurrence les ordres juridiques étatiques, c'est-à-dire de contourner les limites que ces ordres fixent à l'extension du marché au nom de valeurs supérieures, et notamment au nom de la protection de la santé. Ainsi se confirme le constat que dressait il y a dix ans Bruno Oppetit : l'objet du droit du commerce international s'élargit sans cesse, à mesure que des choses et des activités qui étaient jusqu'alors en dehors des échanges économiques les intègrent. Cette intégration suscite une réflexion sur les conséquences de l'encadrement de ce marché par le droit du commerce international. Les effets d'une telle soumission diffèrent selon le domaine étudié. Si les États ont désormais l'obligation d'accorder une protection par brevet à l'ensemble des produits de santé, cette règle est potentiellement dangereuse sur le plan de la protection de la santé des populations, notamment au sein des pays en développement. Les accords de libre circulation ont des effets plus nuancés : ils favorisent la circulation des produits et services de santé dans le monde, ainsi que la mondialisation du droit pharmaceutique. C'est pourquoi, dans une certaine mesure, on constate une convergence des finalités entre le droit du commerce international et le droit sanitaire international. Face à un bilan mitigé, il est nécessaire de s'interroger sur une prise en compte, par le droit du commerce international, de la santé en tant que finalité. Même si cette prise en compte reste insuffisante et difficile à mettre en oeuvre, la santé est reconnue comme une valeur supérieure aux intérêts marchands. Elle autorise les États à fermer leurs frontières lorsque les produits et services s'avèrent dangereux en termes de santé publique ; elle les autorise également à porter atteinte aux droits de brevet afin de favoriser l'accès aux médicaments. Aussi peut-on conclure que le droit du commerce international est susceptible de s'ouvrir à la promotion des valeurs non marchandes.