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On a tenté de dresser le tableau des caractéristiques multiples, changeantes et souvent contradictoires de la matière, afin de ré-ouvrir le procès qu’on lui a toujours intenté : ainsi, ou bien elle s’offre à toutes les influences qu’elle subit, d’où sa passivité et son inconsistance, sa non substantialité, ou bien elle résiste, mais on lui reprochera son insensibilité et sa ténacité obtuse.<br />Corrélativement, on a voulu reprendre les analyses argumentées des philosophes à son sujet : celle des anciens (Platon, Aristote, Épicure et Lucrèce), celle de l’âge classique (principalement les Cartésiens), celles du monde du XVIII<sup>e</sup> (les Newtoniens), celle des modernes (le matérialisme dialectique même), sans oublier celles de ceux qui ont cru l’atteindre à travers des expériences-limites du moi, dans la résistance à l’effort, au cœur de l’oubli ou de l’habitude.<br />Troisième moment de l’analyse, on a souhaité mettre en lumière comment la technologie des actuels matériaux, de même que l’art le plus contemporain, renouvelaient entièrement la conception du substrat. Une révolution s’accomplit sous nos yeux : l’histoire au présent des sciences expérimentales et la métamorphose de la plasticité permettent d’en prendre la mesure. Du coup, on ne peut plus reprendre les vieux énoncés du réquisitoire. Deux conséquences s’en dégagent : outre l’urgence de ce que nous appelons la « rematérialisation », la guerre sans merci qu ’on déclare ouvertement ici à l’un des piliers de la métaphysique, le dualisme qui éloigne l’une de l’autre, pour de nombreuses raisons, l’intellectualité et la matérialité. On apprend au contraire à les lier inséparablement. Comment envisager cette possible réconciliation?