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Pourquoi le blanc, si précieux aux peintres de toutes les cultures et essentiel aux calligraphes chinois et japonais, n’est-il évoqué en Occident qu’en termes d’absence, ou de manque? On n’y conçoit pourtant jamais cette couleur, Wittgenstein lui-même l’avait noté, comme transparente : elle demeure toujours celle d’une surface lumineuse et impénétrable. L’hypothèse qui est avancée dans ce livre est que notre ignorance, ou plutôt notre refus, du blanc tient au modèle de pensée que nous devons à l’alphabet. En inventant la transcription de la parole par voyelles et par consonnes les Grecs ont transformé l’écriture en code graphique, provoquant ainsi dans son histoire une mutation qui, de la création des systèmes idéographiques à celle de l’écriture sémitique, n’avait jamais été envisagée : l’exclusion de la part visuelle de l’écriture, sa lecture, de ses principes de fonctionnement. Ecrire revenait désormais à inventer mentalement des signes phonétiques, et lire à savoir d’abord les entendre. Plus rien ne subsistait dans ce système de la pensée de l’écran et de l’interrogation de l’espace d’où était né trois mille ans plus tôt un mode de communication inédit, comme en témoignent les mythes mésopotamiens ou chinois mettant en rapport son invention avec la contemplation du ciel étoilé et la lecture divinatoire.