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Pour Épicure et les épicuriens, l’affection de plaisir est principe et fin de la vie heureuse. Corrélativement, parce que le plaisir est une fin naturelle, la vie bonne est aussi une vie conforme à la nature. L’attention portée au critère naturel que constitue l’affection est donc la condition première du bonheur.
Pourtant, nous n’y parvenons qu’en raisonnant méthodiquement sur ce qui est véritablement utile, à partir mais aussi au-delà des affections et des inclinations naturelles. L’évidence du plaisir ne guide efficacement la conduite que par la médiation d’un calcul prudent. De plus, la tranquillité de l’âme impose une connaissance, au moins synthétique, de la philosophie naturelle. La recherche du bonheur ne trouve son sens et sa justification que dans l’exercice autonome de la raison et en vertu d’un certain savoir. Autrement dit : comme philosophie. La nature parle immédiatement dans les affects, mais elle ne peut être un guide efficace sans la médiation de la raison. L’artifice de la sagesse est dès lors l’unique moyen qui nous soit donné de vivre conformément à la nature.
Parce que la raison est une médiation nécessaire dans toute forme de relation à la nature, elle accomplit en éthique une tâche analogue à celle qu’elle réalise également dans la découverte et le perfectionnement des techniques, ainsi que dans le domaine de la connaissance, où la sensation fonde l’usage méthodique du raisonnement et des notions.
Ainsi, de la physique à l’éthique, en passant par l’anthropologie, le discours sur les dieux et la théorie de la connaissance, l’épicurisme se construit tout entier sur le jeu subtil de la nature et de la raison.