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Le terme même d’objectif est curieux puisqu’alors même qu’il sert de prothèse au sujet qu’est le caméraman, il parait d’emblée marqué par ce qu’il vise, son « objectif ». L’objectif de la caméra met le monde à vue, le transforme en cible, en objet. Dès lors, perception naturelle et perception cinématographique semblent différer en raison de leur dispositif : à l’inscription de l’œil dans son environnement s’opposent la distance qui sépare la caméra de l’objet qu’elle isole et l’extériorité de l’image cinématographique et du spectateur dans la salle de projection. Au cinéma, le regard n’est pas noué à son milieu, il n’est plus d’immanence de l’œil aux choses. En faisant du monde un objet déployé sous le regard du spectateur, le dispositif cinématographique semble mettre le film à la disposition de la science de la perception, qui pourrait par suite rendre compte de cet objet spécifique en tous ses éléments, et même le plus inassignable – son style. La psychologie expérimentale peut alors devenir un instrument d’analyse privilégié dans l’étude des films, précisément parce que, comme eux, elle suppose un dispositif dualiste de perception.
Dans quelle mesure la psychologie de la perception est-elle susceptible d’éclairer le style cinématographique? Et, à l’inverse, le cinéma a-t-il pu faire évoluer les conceptions de l’acte perceptif? En un surprenant parallélisme, théories perceptives et styles cinématographiques semblent rejouer le même drame, qui tantôt assimile et tantôt distingue l’œil et l’objectif.