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Le jeune Canguilhem n’est ni épistémologue, ni historien des sciences. C’est un philosophe de tradition classique, qui se débat avec l’un des grands problèmes de la philosophie : l’unité de l’expérience. Comment unifier de manière satisfaisante les deux fonctions humaines de connaissance et d’action? Faut-il admettre, à la suite d’Alain et de la philosophie réflexive, la subordination de l’agir au jugement? Ou bien doit-on reconnaître, comme y incite l’examen normatif de l’activité technique, une forme d’irréductibilité de l’action à la connaissance objective? L’institution d’une harmonie philosophique entre le jugement et l’agir est au cœur des réflexions du jeune Canguilhem, lui qui n’oubliera jamais que l’unité de l’expérience n’est pas un fait, mais une valeur.
Durant un demi-siècle, on tint pour acquis que la bibliographie de Georges Canguilhem (1904-1995) s’ouvrait en 1943, avec l’Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique. La parution en 2011 du premier volume des Œuvres Complètes, réunissant les textes publiés de 1926 à 1939, constitue une invitation exceptionnelle pour rouvrir quelques problèmes d’exégèse qu’une investigation limitée aux écrits de la maturité pouvait avoir clos. Cet ouvrage entend retracer les sources philosophiques du concept de normativité vitale, en examinant les rapports de Canguilhem aux grands auteurs (Kant, Descartes et Bergson), au marxisme, ou encore à Michel Foucault.