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L’intérêt qu’accorde la philosophie moderne et contemporaine au problème d’autrui est souvent, et à juste titre, considéré comme l’une de ses principales caractéristiques.
Peut-on néanmoins croire que cette question de l’intersubjectivité ou de l’interpersonnalité, telle que la posèrent Fichte ou Husserl, soit une pure invention ex nihilo de l’époque contemporaine? Ou bien l’historien de la philosophie, s’il se veut philosophe, ne doit-il pas au contraire postuler l’existence d’une continuité de la réflexion philosophique, et discerner par là comment une question qui se présente comme radicalement neuve manifeste en fait la résurgence d’une méditation et d’un problème plus anciens? Que les systèmes et les réponses changent mais que les questions et les problèmes auxquels ils répondent demeurent, telle est la conviction première qui anime cet essai.
Ainsi, loin que le problème des rapports avec autrui ait été absent de la philosophie antique, l’auteur montre dans ce livre comment cette interrogation fut longtemps présente chez les Grecs, sous l’aspect d’une réflexion sur la nature et les conditions de la philia. Cette analyse du thème de l’amitié, indissociable chez les Grecs de leur métaphysique et de leur morale, révèle ainsi une pensée du rapport entre les consciences qui, faisant éclater les oppositions factices issues du dualisme classique entre raison et sentiment ou encore entre amour de soi et amour d’autrui, permet d’élaborer une « représentation plus unitive, plus dynamique aussi, du moi lui-même ».