Prix public : 36,00 €
Que font les Ancêtres du Christ, ces vieux hommes fatigués et ces femmes qui allaitent à côté des corps pleins d'énergie des anges du Jugement dernier, des prophètes et des sibylles de la voûte? De quelle manière participent-ils de l'histoire de l'humanité, qui s'ouvre dans la Genèse avec la Création d'Adam et se clôt dans le Jugement? Maintes fois soumise à l'analyse, la fresque du Jugement dernier de la chapelle Sixtine laisse apparaître des éléments d'interprétation radicalement nouveaux si on la considère du point de vue de l'anthropologie de la ressemblance élaborée par saint Paul, la ressemblance de l'homme à Dieu. Giovani Careri rend compte de la façon dont les familles des Ancêtres participent d'un projet idéologique général: celui qui « administre » la question du corps et de la chair en relation avec l'eschatologie chrétienne du salut. La pesanteur et la mélancolie qu'expriment les corps las des Ancêtres sont, en effet, des valeurs négatives nécessaires pour dessiner le bord extérieur d'un dispositif qui règle dans la théologie chrétienne le rapport à une altérité hébraïque à la fois exclue et fondatrice, irréductible et nécessaire. La chapelle Sixtine est une véritable « fabrique de l'histoire ». C'est à travers le déchiffrement des figures fatiguées des cintres et des lunettes que ce monument mille fois étudié vise notre présent en dévoilant son actualité; pour le spectateur d'aujourd'hui, les familles des Ancêtres évoquent des populations d'exilés, réfugiées dans des abris de fortune.