Prix public : 40,00 €
Guerre civile, guerre sainte, deuxième guerre d'Algérie ? Nouvelle guerre intérieure, plutôt ; sans véritable précédent, et pourtant inscrite profondément dans une longue histoire coloniale, pleine de bruit et de fureur. Pour comprendre les fractures actuelles de la société algérienne, il faut remonter aux années trente et au parti de l'indépendance qui s'imposera bientôt au pays, d'abord à la ville musulmane (1936-1939), puis à l'Algérie de l'intérieur (1942-1948). Ancré dans la sociabilité du café et du quartier, porté par l'entregent d'une jeunesse scolaire frustrée de reconnaissance sociale, il prend la tête d'un mouvement interclassiste de militants autodidactes issus du salariat à statut et des petits métiers. Maître des mots, maître des masses, "maître de l'heure", il doit son efficacité au réinvestissement d'un vieux modèle de parité entre les frères, installant le lien national entre la solidarité "tribale" et l'égalitarisme de l'islam. Ce livre voudrait montrer la force, l'originalité, la longévité du nationalisme radical algérien, mais aussi rendre intelligible le coût ultime de la formule populiste et de l'entrée dans la modernité politique. Dans une société clivée et mixée entre Orient et Occident, tiraillée entre holisme et individualisme, et crispée sur la question des mœurs, le parti islamique apparaît à beaucoup comme un recours : l'ancien équilibre des tensions maîtrisé par le populisme se transforme en un vertige nourri par l'anomie. Après le viol des urnes, la frange radicalisée de la jeunesse sollicitée par le réseau des mosquées répond à un autre appel. Les groupes armés renversent la relation entre watan et jïhad et déplacent le combat contre l'ennemi intérieur. Ils veulent ajuster la société à leur vision de la communauté, substituer l'ordre divin à l'ordre humain, dans une sorte d'ordalie des temps modernes.